Ami lecteur, tu ne peux plus ignorer que l'Abbaye de La Sauve Majeure est pour la Maison-Forte qu'est Pressac son "abbaye mère": nous étions "silva major" ( grande forêt ) ; grâce à elle notre pays d'Entre-Deux-Mers est re-devenu "pays civilisé", dédié pour l'essentiel à la culture de la vigne, le point de départ du vignoble bordelais.
La Sauve fut fondée en 1079 par Gérard "de Corbie".
Maintenant comprends mon émotion quelques instants après le début de ma visite, voici plus d'un mois, de l'exposition " Trésors carolingiens - Livres manuscrits de Charlemagne à Charles Le Chauve " - www.bnf.fr -présentée à la BNF Richelieu, en même temps d'ailleurs que celle d'Atget ( vous pouvez encore procéder à leur visite virtuelle ) : le premier ensemble de manuscrits présenté venait de l'Abbaye de Corbie.
Un autre de l'Abbaye de Luxeuil, dont il était dit qu'elle avait été la fondatrice de Corbie.
Dans notre beau pays d'Entre-Deux-Mers, personne - jamais - ne me semble avoir cherché à remonter le fils du temps et à creuser le lien, même ténu, existant entre La Sauve et Corbie...et entre Corbie et Luxeuil.
Il est vrai que ces deux abbayes sont aux antipodes de notre Aquitaine : dans la Somme pour Corbie, à quinze kilomètres d'Amiens et 800 de ce lieu ; en Flandre pour Luxeuil Les Bains.
Il n'empêche qu'elles sont à la source de la Sauve et qu'elles sont intéressantes de ce fait.
Au point de départ donc, la fondation de Luxeuil en 590 par Colomban ( né en 543 et mort à Bobbio en Lombardie le 21 novembre 615), moine irlandais, à l'invite du roi d'Astrasie, Sigebert.
La notoriété de son fondateur fit de Luxeuil la "maison-mère" de toutes les abbayes de la Gaule mérovingienne.
Luxeuil, ruiné par les sarrasins en 732, fut restauré par Charlemagne comme abbaye bénédictine.
Un scriptorium y fut actif à partir du milieu du VIIème siécle : ce serait là que vers 670 aurait été crée la première écriture calligraphique en minuscule, dite cursive, avec une ornementation marginale empruntée à la grammaire décorative de l'Irlande ( je copie bien, n'est-il pas vrai ? ). Une des pièces essentielles de l'exposition de la BNF est "le lectionnaire de Luxeuil".
Comparez avec la "Bible de Kells", si vous en détenez une copie.
L'atelier de Luxeuil cessa sa production lors de la destruction sarrazine pour ne la reprendre qu'au IXème siècle.
L'Abbaye Saint Pierre de Corbie fut fondée, sous la direction de Théofrid, par des moines de Luxeuil entre 657 et 661, à l'initiative de la reine Bathilde, veuve de Clovis II.
Hélas ! Trois fois hélas ! Rien ne semble complétement disponible à propos des cironstances de la fondation de ce monastère, de ses premiers abbés..., sinon que des relations très étroites se nouèrent très tôt avec la dynastie carolingienne, que ses privilièges furent confirmés dés son avénement par Charlemagne, que ses abbés successifs furent des proches du souverain, mais aussi des savants attentifs à la vie intellectuelle de leur communauté.
Marie-Pierre Lafitte cite parmi ces abbés, dans le magnifique catalogue édité par la BNF, Leuctar (751-768) qui participa au Concile d'Attigny en 762 et Maurdramme, auteur de la première révision de la Bible (772-781).
Elle précise également que deux écrivains carolingiens de premier plan, Gottschalk d'Orbais et Ratramne, furent moines de Corbie.
Corbie eut comme abbé, à partir de 780, Adhalard ou Adélard ou Adalard, né vers 752 et mort le 2 janvier 826. Petit-fils de Charles , dit Martel ( vers 688-741), il était donc le cousin germain de Charlemagne ( 2 avril 747 - 28 janvier 814) avec lequel il aurait été éduqué à la Cour.
Il fut de Roncevaux en 778.
Il fut le précepteur de deux des fils de Charlemagne : Pépin d'Italie, de 796 à 812, puis Bernard, de 812 à 814
Louis Le Débonnaire ( ? ), dit encore Le Pieux, autre fils de Charlemagne, l'exila en l'Abbaye de Noirmoutier de 814 à 821, date à laquelle il retrouva Corbie.
Le scriptorium de Corbie fut particulièrement actif dés avant et plus encore du temps d'Adélard par suite de commandes de Charlemagne : quelques huit cent manuscrits nous sont parvenus qui permettent une analyse paléographique des écritures successives utilisées à la fin du VIIIème et au début du IXème siècle : on doit à Corbie une pré carolinne", sinon la "caroline";
On doit aussi à Corbie le développement du ? et, plus généralement, de nouvelles pratiques d'écriture;
Vous avez compris pourquoi je trouve passionnante cette "découverte" de Luxeuil et de Corbie : la page imprimée demeure un étonnement, une joie, un émerveillement...
Merci à la BNF, à ses conservateurs, à ses auteurs...
Ceci étant, je viens de - très longuement - tourner autour du pôt : je n'ai toujours pas la réponse à la question : qu'est-ce qui a conduit Gérard, ici de Corbie, là-bas de La Sauve, trois siècles environ au-delà des événements - mal - racontés ci-dessus en "Silva Major" ?
Merci à lui, toutefois, dêtre venu.