Devant moi, une bonne pile de livres récemment acquis et que je comptais vous présenter... et puis, il y a une demi-heure environ, un coup de téléphone vient de bouleverser cette journée et les jours qui viennent. Vous allez dans un instant comprendre les raisons de notre émotion.
En premier donc, "Mon cœur à l'étroit" de Marie Ndiaye - www.gallimard.fr -
L'action , si l'on peut dire, démarre à quelques dizaines de mètres de ma demeure d'enfance, qui est encore ce jour une demeure familiale, rue Esprit des Lois à Bordeaux. Cette rue, je l'ai emprunté des milliers de fois, soit pour sauter dans un tram ou dans un bus qui me conduisaient à mon collège, au delà des boulevards, soit pour remonter jusqu'au Grand Théâtre , emprunter la rue Sainte Catherine, passer devant notre Cathédrale Saint André et entrer dans la Faculté de Droit pour y suivre quelques cours...de Raymond Passet, de Jacques Ellul, sinon de Raymond Boudon à la Faculté des Lettres du Cours Pasteur.. et d'autres.
Je rentrai dans "la vie littéraire bordelaise" à la hauteur de la rue Margaux, passant devant l'imprimerie Péchade qui ne fut pas rien dans l'édition locale, puis devant de la demeure de la famille de François Mauriac, mon grand ancien dans le même collège que j'entendis pour la première fois à occasion de la seule distribution des prix qu'il présida, alors que j'avais sept ou huit ans. J'entends encore le sourd "Mauriac au tableau" de l'abbé Lacaze..
Puis-je écrire que Marie Ndiaye, par la localisation choisie, nous a rapproché de "l'enfer", au travers de la dimension quasi fantastique, sinon quelque peu morbide, qu'elle développe.
Je ne lui en fait point la reproche, pas plus que de sa géographie légèrement inexacte de mon quartier... simplement, j'avance lentement, laissant une "autre dimension" pénétrer en moi.
En second et dernier pour ce jour, "La Maison du Retour" de Jean-Paul Kauffmann - www.nil-editions.fr-
Je me sens plein d'affinité avec Jean-Paul Kauffmann : j'ai longtemps été abonné à "L'amateur de Bordeaux qu'il dirigeait, Pressac oblige ; j'ai souvent rendu visite au "Combat de l'Ange et de Jacob" de Delacroix à Saint Sulpice qu'il étudie si bien dans "La Lutte avec l'Ange " (folio) ; un petit quart de mon sang est landais..il m'est arrivé plus d'une fois de fouler un airial... Pressac est aussi un lieu de "silence et de recomposition possible".
Mais voilà : ce livre, je l'avais apporté voici un peu moins d'un mois à un vieil homme de 95 ans, né très exactement, jour pour jour, trente ans avant moi, auquel nous rendions spécialement visite - hors d'autres moments - le jour de notre anniversaire commun. De plus nous portions le même prénom.
Ce livre m'avait paru possible parce qu'il disait optimisme et espérance : "Je suis en effet devenu amateur d'espérance" écrit J.P. Kauffmann.
Cet homme qui fut un grand serviteur de notre Communauté est mort au début de la nuit dernière.
Cet homme était un homme juste, bon, d'une droiture absolue, véritable époux, vrai père, beau-père, grand-père, arrière grand-père, ami.
Je rejoins maintenant le silence qui un des fils conducteur de cette "Maison du Retour" et dont le titre prend un tout autre sens, plus profond.